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Le métro de Paris

ParisParis C’est alors que je rampais à quatre pattes dans un tunnel poussiéreux, poussant mon sac à dos devant moi, que j’ai commencé à avoir quelques doutes sur l’allure du côté interdit des catacombes parisiennes. Nous rampions comme ça depuis un certain temps et il n’y avait pas de fin en vue. Mon ami savait ce qu’il faisait, il y était depuis des décennies, mais quand même, et si nous prenions un mauvais virage?

Explorer les parties fermées des catacombes de Paris, c’est parfois ramper à quatre pattes sur plusieurs centaines de mètres dans des endroits comme celui-ci. (AFP/Geoffroy Van Der Hasselt)

Les catacombes de Paris sont un labyrinthe sombre de tunnels et de grottes s’étendant à quelques mètres en contrebas des rues de la Ville Lumière. La partie ouverte au public fait partie des monuments les plus populaires de la ville – les files d’attente pour entrer peuvent être aussi longues que pour la Tour Eiffel. Mais cette partie n’est que la pointe de l’iceberg.

L’entrée et la sortie. (AFP/Geoffroy Van Der Hasselt)

Il y a une myriade d’autres passages – qui auraient atteint jusqu’à 300 kilomètres – qui tournent et tournent sous la capitale française, certains atteignant jusqu’à la banlieue. Officiellement, ils sont interdits. En réalité, ils reçoivent un flux régulier et restreint de visiteurs cachés, les soi-disant cataphiles. Je suppose que vous pouvez l’appeler la scène underground de la ville. C’est littéralement sous terre.

L’un d’eux est mon ami Pascal, un Parisien de 36 ans qui explore ce monde interdit depuis une vingtaine d’années. Il est entré pour la première fois à l’âge de 15 ans. Il avait des amis plus âgés qui descendaient dans les tunnels et ils l’ont emmené. Il est accro depuis. Quand je lui ai dit que j’aimerais photographier ce monde caché, il m’a volontiers proposé de me servir de guide.

Les catacombes, qui se trouvent sous la rive gauche de la ville, sont des vestiges de ce qui était autrefois les anciennes carrières de Paris, la source du calcaire qui a construit certains de ses monuments les plus célèbres, comme le Louvre et la cathédrale Notre-Dame. Finalement, ces carrières ont été formées en tunnels qui sont devenus des ossuaires, des dépôts pour les ossements des résidents décédés de la ville. Finalement, les ossements de millions de personnes des cimetières d’en haut ont été transférés ici pour que Paris puisse avoir plus d’espace pour s’agrandir. (Ils comprendraient des sommités telles que Charles Perrault, l’homme qui a apporté au monde les contes de fées de Cendrillon, de la Belle au Bois dormant et du Petit Chaperon Rouge.).

Le dernier transfert osseux a eu lieu en 1859, lorsque Georges-Eugène Haussman redessinait la capitale française, en aménageant les larges avenues et les immeubles d’habitation omniprésents que la ville est connue aujourd’hui.

Les tunnels et cavernes fantasmagoriques ont toujours attiré des visiteurs curieux, de la noblesse aux étudiants et ils continuent de le faire aujourd’hui. Il existe des dizaines de points d’entrée clandestins dans tout Paris, certains facilement accessibles, d’autres plus. Nous sommes entrés par un couvercle de trou d’homme.

Aller dans le monde interdit des catacombes de Paris. (AFP/Geoffroy Van Der Hasselt)

Un équipement adéquat est essentiel pour une descente — des bottes imperméables, un casque avec une lampe frontale et des vêtements qui ne vous dérangent pas de vous salir.

L’auteur sort enfin d’un tunnel. (Photo gracieuseté de Geoffroy Van Der Hasselt)

Certains passages sont des tunnels appropriés, à travers lesquels un grand type comme moi (1,95 mètre, 6’3 pieds) peut marcher debout sans problème. D’autres sont le cauchemar des claustrophobes — des espaces vides où vous devez vous frayer un chemin à quatre pattes sur plusieurs centaines de mètres d’un bout à l’autre.

Et c’est là que j’ai commencé à avoir des doutes sur toute l’idée.

Mais l’aventure a un prix, alors j’ai rampé, confiant que Pascal me mènera dehors.

Une partie essentielle de l’équipement est une carte. Il n’y a pas une seule carte des catacombes. Chaque groupe cataphile a tendance à avoir le sien. Certains sont en papier, d’autres que vous pouvez télécharger sur votre smartphone.

(AFP/Geoffroy Van Der Hasselt)
(AFP/Geoffroy Van Der Hasselt)

Mais une carte est indispensable, car sans une, vous pouvez rapidement vous perdre dans le labyrinthe. La personne la plus célèbre à l’avoir fait est Philibert Aspairt, portier de l’hôpital du Val-de-Grâce pendant la Révolution française. Il est entré dans les catacombes par une entrée de l’hôpital, apparemment pour sortir de l’alcool d’une cave et n’est jamais revenu. Son corps a été retrouvé 11 ans plus tard et enterré au même endroit. Aujourd’hui, il est une légende des catacombes et un récit édifiant.

Une plaque commémorative au plus célèbre disparu des catacombes de Paris, Philibert Aspairt, portier d’un hôpital pendant la révolution française. Il serait allé dans les catacombes pour sortir de l’alcool d’une cave et n’est jamais revenu. Son corps a été retrouvé 11 ans plus tard et enterré au même endroit. (AFP/Geoffroy Van Der Hasselt)

Les cataphiles ont tendance à se classer en deux catégories : ceux qui sont sérieusement accros comme Pascal et qui descendent régulièrement pour explorer et cartographier de nouveaux passages et cavernes, et les utilisateurs occasionnels qui descendent pour profiter d’une soirée entre amis dans une grotte avec quelques bougies et quelques bouteilles de vin. Et bien sûr, parfois, ils se chevauchent.

Illustration cataphile dans les murs. (AFP/Geoffroy Van Der Hasselt)

Pascal est un guide professionnel he il emmène les touristes autour de Paris, donc pour lui le frisson est l’histoire de tout cela.

Il reçoit un coup de pied lorsqu’il découvre un nouveau tunnel ou une grotte. Il peut vous dire quand vous marchez en dessous d’un certain point de repère au-dessus, ou si un tunnel particulier date du 17ème siècle.

Une date sur l’une des parois des catacombes. (AFP/Geoffroy Van Der Hasselt)

Après quelques heures, malgré le tunnel rampant, j’ai pu voir l’attrait de tout cela. Ce qui m’a le plus frappé, c’est le silence. À quelques mètres sous les voitures qui klaxonnent et les motos qui accélèrent de Paris, le silence est total. La température est constante de 15 degrés Celsius. Ci-dessus est l’une des villes les plus visitées au monde. En dessous, il n’y a que vous, vos amis et un monde souterrain en partie inexploré.

Il y a quelques « panneaux de rue » indiquant où vous vous trouvez (ceux-ci correspondent généralement aux rues ci-dessus).

Panneaux de signalisation dans la partie interdite des catacombes de Paris. (AFP/Geoffroy Van Der Hasselt)

Il y a à la fois de l’art mural et du graffiti.

(AFP/Geoffroy Van Der Hasselt)
(AFP/Geoffroy Van Der Hasselt)

Il y a des choses étranges que les gens ont laissées traîner, comme quelques vélos (bien que la raison pour laquelle quelqu’un voudrait le faire descendre là-bas soit au-delà de moi) et des animaux en peluche.

Les cataphiles que j’ai rencontrés étaient tous très conscients de la sécurité. Les catacombes peuvent sembler romantiques, mais elles sont également dangereuses. Un des amis de Pascal est entré par lui-même et est tombé sur deux gars qui ont eu le malheur de se casser les jambes tous les deux. Alors il les a traînés hors de là par lui-même et quand ils étaient au-dessus du sol, a appelé une ambulance.

Un bon moyen de casser une jambe — passage étroit dans la partie interdite des catacombes de Paris. (AFP/Geoffroy Van Der Hasselt)

Les visites aux catacombes sont si régulières et le danger si grave qu’une unité de police spéciale leur est dédiée — les  » catacops. »S’ils vous attrapent à l’intérieur, ils vous gifleront d’une amende de 60 euros et d’une escorte.

J’ai croisé certains de ces gars quelques semaines après ma descente et je leur ai demandé si je pouvais les accompagner un jour, pour comprendre l’autre côté de l’histoire. Le responsable m’a dit que leur plus grande inquiétude était les adolescents qui décidaient de partir à l’aventure.  » Quatre descendent et trois remontent. Et puis nous devons aller chercher le disparu. »

J’ai fini par passer environ six heures sous terre, mais si je n’avais pas de montre, je n’aurais pas pu vous le dire. Le temps semblait s’arrêter, suspendu. C’était comme être dans un autre monde.

Détente dans un monde secret du côté interdit des catacombes de Paris. (AFP/ Geoffroy Van Der Hasselt)